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Le billet d'humeur du prof

Le billet d'humeur du prof

Un regard sur l'école

L'indiscipline à l'école : à qui la faute ?

        L'indiscipline des élèves dans les établissements scolaires de France n'est un secret pour personne. On s'était habitué à cette réalité dans les réseaux d'éducation prioritaire. Or, la tendance tend à se généraliser sur tout le territoire. L'actualité nous rappelle assez souvent combien la violence scolaire est un fait avéré. Des mesures politiques semblent être prises en haut lieu mais rien ne semble vraiment changer sur le terrain. A quel niveau la machine Education Nationale déraille ?

 

Rétablir l'autorité à l'école

 

        Le ministre de l'Education nationale promettait dès son arrivée en 2017 de rétablir l'autorité à l'école. Qu'en est-il vraiment ? Le discours semblait convaincant. Pourtant, l'actualité nous ramène à la dure réalité. Une à deux fois par an, les médias accordent une importance aux violences surtout quand elles touchent directement des professeurs et que cette violence est spectaculaire. On se souvient alors tous du lycéen qui avait braqué une arme factice sur son professeur en octobre 2018. Nous avions droit à la scène sous différents angles, une scène que ses camarades lycéens semblaient prendre plaisir à filmer. Quand un tel événement fait l'actualité, les débats télé se succèdent et les journalistes mettent la lumière sur ces affaires rocambolesques, comme si elles étaient le témoignage d'une flambée des violences ponctuelle dans les écoles.

 

        En vérité, tout au long de l'année, les salles de classes sont le théâtre de violences plus ou moins graves entre élèves, d'élèves à professeurs, de parents à professeurs, voire d'élèves à chefs d'établissements. Pas un jour d'accalmie et ce, surtout pas dans les établissements en éducation prioritaire comme si nous nous étions résolus à accepter que ces territoires étaient définitivement perdus. Quand un établissement a le malheur de laisser s'opérer des actes de violence et que les médias n'en font pas l'écho, c'est simplement parce que le « pas de vagues » a fonctionné et que l'information n'a ainsi pas pu remonter. Quelle chance !

 

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« Les proviseurs n'ont pas à être évalués à l'aune du nombre de conseils qu'ils mettent ou non en place »

 

        J'ai longtemps pensé naïvement que l'institution et les personnels de direction qui la représentent étaient les seuls responsables. Devant des faits de violence graves entre élèves ou d'élèves à professeurs, je voyais leur réticence à mobiliser un conseil de discipline. Je pensais alors que le principal ou le proviseur ne voulait pas faire remonter que son établissement était « mal géré ». Le ministre de l'Education nationale a pourtant assuré après l'affaire du professeur braqué en plein cours que « les proviseurs n'ont pas à être évalués à l'aune du nombre de conseils qu'ils mettent ou non en place ». La question pouvait se poser. Les chefs d'établissement voulaient et veulent encore sans doute ne pas ternir leur réputation à cause des faits de violence qu'un nombre important de conseils de discipline révèlerait.

 

Pas de vagues

 

        L'expérience de terrain m'a montré que les parents d'élèves et parfois même les professeurs eux-mêmes participent au « pas de vagues ». Les parents d'élèves, quand ils ont une forte présence dans un établissement, exercent parfois une pression sur les chefs d'établissement. Les professeurs, quant à eux, peuvent influencer la politique de leur établissement et ainsi éviter au maximum le conseil de discipline tantôt pour contenter leur hiérarchie dont ils ont une peur bleue, tantôt pour faire valoir leur idéologie souvent syndicale selon laquelle il faudrait préserver l'élève d'une telle sanction.

 

Le conseil de discipline : une mascarade

 

        Sur ce volet conseil de discipline, il est utile de rappeler que les élèves sont les moins dupes dans cette histoire. Ils se jouent de ces dispositifs. Quand le conseil de discipline a lieu, ils savent très souvent quoi dire et expriment alors leurs difficultés familiales pour émouvoir l'auditoire. Des raisons qui pourraient être valables, sauf que dès le lendemain, une fois que le conseil s'est fait proprement berné en votant pour une exclusion définitive avec sursis, l'élève revient dans l'établissement goguenard, heureux d'avoir usé à son avantage le discours qu'ils attendaient tous. Aussi, une exclusion définitive avec sursis, n'est ni plus ni moins qu'une absence de sanction. Le sursis qui ne tient qu'une année n'est presque jamais levé. L'élève sait alors qu'il peut utiliser à loisir ce joker qui lui permettra durant son séjour dans l'établissement de cracher sur un camarade, d'insulter un professeur voire de le bousculer. Si un sursis lui est réservé, pourquoi s'en priver ?

 

La responsabilité des chefs d'établissement

 

        A qui la faute donc ? Ignorer la responsabilité des personnels de direction serait une erreur. La tenue d'un établissement est le résultat des choix stratégiques d'un principal ou d'un proviseur. J'ai longtemps pensé qu'un chef d'établissement qui userait bien trop souvent du conseil de discipline ou des exclusions temporaires d'élèves était mal vu et rappelé à l'ordre. Il n'en est rien. Tant que son établissement tourne, le rectorat et la direction académique n'en ont que faire que de contrôler combien de conseils de discipline sont sollicités dans un collège ou un lycée.

 

        Un nouveau chef qui dès le début de sa mandature annonce la couleur par des sanctions fermes préserve son établissement et les élèves le comprennent aussitôt. Dès la première sanction, ils évaluent ce qui sera permis et ce qui ne le sera pas dans l'établissement. Demandez à un élève le risque encouru pour tel ou tel fait d'indiscipline qu'il pourrait commettre, vous serez étonné de la précision avec laquelle il sera disposé à vous fournir le type de sanction auquel il sera exposé. La responsabilité des chefs d'établissement est d'autant plus engagée que malgré la volonté du ministre Blanquer lui-même que de rétablir l'autorité du professeur, il persiste encore aujourd'hui un laxisme caractérisé dans certains établissements. Nous ne serions même pas capables de faire appliquer ce qui est décidé en haut lieu. Il y aurait la parole du ministre d'une part et les acteurs de terrain qui feraient fi de ses décisions. C'est à se demander si l'absence de conseils de discipline par exemple n'est pas simplement le résultat d'une certaine forme de paresse des personnels de direction qui rechignent à organiser cette assemblée, et pour cause. En octobre 2018, le ministre de l'Education nationale proposait de faciliter la tenue des conseils de discipline.

 

Et les professeurs dans tout ça ?

 

        Des professeurs, sans exprimer directement leur désaveu, aiment à conseiller à leur manière leurs collègues : « Je ne crois pas que ce soit une bonne idée le conseil de discipline. Il a craqué qu'une fois dans un cours. » ou encore « Tenons le conseil de discipline mais visons le sursis, ça lui servira de leçon ». Mais quelle est donc cette manière de procéder qui consiste à promouvoir encore et toujours une deuxième ou une troisième chance ? L'exclusion définitive d'un établissement, c'est la promesse d'offrir une seconde chance à l'élève en lui faisant prendre conscience de son écart et en lui proposant quelques semaines plus tard un autre établissement pour repartir de zéro

 

 

        Il semble qu'une idéologie partagée par chefs d'établissements, parents d'élèves et professeurs gangrènent notre école. Les prises de décision d'un ministre de l'Education nationale ne suffisent pas. La gangrène a trop largement obstrué les circuits de communication entre l'Education nationale et le terrain. Aujourd'hui, pour traiter l'indiscipline à l'école, l'application des mesures institutionnelles doit être tristement contrôlée sur le terrain sinon elles ne seront jamais suivies d'effets.

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